Voici venue la froidure de l’hiver et ses longues soirées d’ennui. Tu n’en peux plus d’attendre le jour J de la séance. Pour patienter et te réchauffer, plonge-toi dans les albums de Yxes et ses histoires de dominas bien inspirées. Yxes m’a apporté une repro de l’un de ses dessins sur lequel j’avais flashé. Bien pratique, l’oeuvre me permet de cacher un piton fixé dans le mur de mon salon.
Yxes étant là, j’en ai profité pour… non pas l’attacher, mais l’interviewer. C’est bien aussi.
Gladys : qu’est-ce qui t’a pris de dessiner des Maîtresses SM ?
Yxes : Suite à une expérience personnelle qui a duré un certain temps avec une domina, j’ai voulu raconter ces rencontres par des mots et des images. Et donc j’ai commencé comme ça. Quand je revois mes premiers dessins, j’étais assez mal habile, mais je me suis amélioré. Nous ne sommes pas beaucoup de dessinateurs BDSM sur le marché. Bon, il y a l’excellent Xavier Duvet quand même. Du coup, j’ai tenté de convaincre un éditeur. J’ai commencé à dessiner pour lui. Évidemment il ne s’en pas servi. Alors j’ai essayé d’en faire une histoire. J’ai convaincu les éditions La Musardine. Et j’ai sorti mon premier album : La Capitaliste Rhénane en hommage à Alain Minc qui a fait l’éloge du capitalisme rhénan.
Il en a de la chance Alain Minc…
Puis j’ai fait un deuxième album : SM le Maudit. J’ai écrit le scénario avec le critique de cinéma et chroniqueur de l’émission de France Culture, Mauvais Genre, Christophe Bier. Christophe et moi, on aime bien boire des coups et bosser ensemble. Nous sortirons un troisième album bientôt, ce sera la suite de La Capitaliste Rhénane.
Si La Capitaliste Rhénane se déroule de nos jours, en revanche, SM Le Maudit nous plonge dans les années 30 berlinoises, décadentes et foisonnantes culturellement. Cette époque te fascine ?
La République de Weimar, c’était une période absolument magnifique, avec de grands artistes comme Grosz ou Otto Dix. En ce moment, je suis en train de lire Le monde d’hier de Stefan Zweig, il parle de l’effondrement de l’Europe avec l’attentat de Sarajevo en aout 1914. Après la Première Guerre mondiale, il y a eu une renaissance extraordinaire des intellectuels et une grande volonté de vivre d’où les cabarets, la prostitution, c’était dément ! On voit bien ça dans le film Cabaret de Bob Fosse. SM le Maudit contient des références au cinéma expressionniste, avec plusieurs hommages au réalisateur de M Le Maudit, Fritz Lang. J’ai reconstitué à ma manière Le Cabinet du Docteur Caligari, film d’horreur sorti en 1920. On croise aussi Marlène Dietrich et Louise Brooks.
Concernant ton style de dessin, quels sont les maîtres qui t’ont inspiré ?
Je suis un grand adepte des dessinateurs américains des années 30: Alex Raymond, le père de Flash Gordon ou encore Milton Caniff. D’une époque plus récente, Franck Frazetta m’a beaucoup influencé. J’apprécie toute cette grande tradition du dessin réaliste.
Dans SM Le Maudit, la scène du talon-aiguille dans l’urètre, c’est superbe ! Hélas, difficile de la refaire dans la réalité… quoique.
Oui, c’est assez surréaliste c’est sûr. Y a un côté outrancier. Le milieu BDSM n’est pas tout le temps drôle, ça se prend parfois au sérieux, alors nous avons essayé de mettre un peu d’humour.
Moi en tout cas, je me marre bien, au moins intérieurement, en ridiculisant mes soumis… Le monde de la domination féminine est forcément plein de surprises, c’est très incongru, décalé.
Ça sert à quoi de dessiner des maîtres et des soumises ? La domination masculine est partout, dans la rue, dans la vie courante, c’est convenu. Ça ne m’inspire pas. Alors que les dominatrices, y a plus de distances, de créativités.
le gout de l’excellence c’est la maxime de Maîtresse Gladys, qui nous fait découvrir aussi des plaisirs multiples.