Me voilà de retour à la Nuit des K, soirée gynarchiste mensuelle et rendez-vous parisien des viragophiles de tous poils. Moqueries, piques pas seulement verbales d’ailleurs, fouets et jeux de cire, les loisirs un peu particuliers, n’ont pas manqué…
Suite à mon après-midi à la Fetish Week, mon jovial sadisme tourne à plein régime. J’ai envie de continuer à “mâle mener” à la Nuit des K, soirée gynarchiste parisienne. J’y étais déjà allée le mois dernier, je m’y étais fort divertie, tu as certainement déjà lu le compte-rendu. La sympathique Maîtresse K m’a donc invitée à l’édition d’octobre Spéciale Halloween. Une fois de plus, je suis accompagnée de ma chère Maîtresse Didi, facétieuse amazone des soirées kinky.
À notre arrivée, je suis présentée à Maîtresse Justine, Dame souriante à la répartie aussi drôle que cinglante. Je retrouve l’ambiance cosy et bon enfant. Une participante arbore un chapeau de sorcière, des mains de squelette trainent sur les tables. Une fois assises à une table, nous prenons plaisir à ricaner des soumis que nous repérons et que nous comptons bien convoquer à nos pieds. Un jeune barbu en costume n’arrête pas de regarder dans notre direction, le barman Greg lui lance : « Vas-y ! Elles ne vont pas te manger ! ». Bref, ça sent plus la trouille que la citrouille.
“Pourquoi ont-ils si peur ?” s’étonne Maîtresse Justine un brin narquoise “nous ne sommes que gentillesse et bienveillance…” Décidément dans cette soirée gynarchiste, les freluquets sont de sorties. En plus du premier prétendant, deux autres soumisseaux (ou soumissots c’est selon) nous rejoignent, en s’asseyant à nos pieds. La spécialité de Didi : baptiser les soumis. Ce soir, nos pétochards s’appelleront, Bisounours, Grégoire et Jean-Eude. Qu’ils s’estiment heureux, ils ont échappé à Gustave, Brice ou Jean-Robert.
Ma mallette pour éduquer les lopettes en soirée gynarchiste
Grâce à nous, ils vont bénéficier d’une bonne formation accélérée en massage de pieds. Justine et moi, nous nous échangeons les apprentis, commentant la performance de leurs doigts sur la plante : “pas assez appuyé”, “caresse chaque orteil avec dévotion, mais ça manque d’énergie”. Maîtresse Justine s’agace : “je ne sens rien là, je trouve la prestation médiocre”. Maîtresse Didi n’offrira ses petons de taille 44 qu’aux plus impliqués, et pour l’instant, nous sommes loin du compte.
Bon ! Je ne suis pas pour l’éducation Montessori des soumis ! De ma valise à malices, je commence à sortir divers instruments de supplices. Comme la dernière fois, les soumis avaient plutôt des profils de maso, j’ai prévu badine, martinet de fessier, un autre davantage pour le CBT, tawse, pinces, bougies… Sauf que nos petites lavettes ouvrent de grands yeux flippés : “alors moi, personnellement Maîtresse, je suis plutôt cérébral”, “moi aussi, je n’aime pas trop la douleur physique, je recherche davantage l’emprise psychologique”.
Non mais je rêve ! Le club de la chochoterie fait sa liste au Père Noël ! Enfin… plutôt aux Mères Fouettardes oui ! On s’en bat les coups de leurs goûts, de leurs besoins de petits mâles. Les Dominatrices sont là pour s’amuser. Maîtresse Didi sort de son sac un bel objet comme un gros briquet style art déco : “c’est un taser de quéquettes”. Terrifiés, tous trois détournent le regard. Bisounours le barbu tente la fuite, nous demandant si nous souhaitons boire quelque chose.
Je ne laisse pas le choix à celui vêtu d’un simple shorty en simili cuir, Grégoire, qui semble trop gamberger sous son petit crâne.
Après lui avoir fait goûter au coups, que dis-je, aux caresses de mon martinet en doux daim, je compte bien asperger de cire son corps d’éphèbe. Ce sera une première pour le jeune homme qui comprend assez vite que les Maîtresses apprécient l’ouverture d’esprit.
Wilfried, le fringant tatoué du vestiaire de la soirée gynarchiste, apporte une bâche, Grégoire reçoit l’ordre de s’y allonger sur le ventre. Je commence avec une première bougie très basse température qui ne fait aucun mal. Grégoire respire, il est en confiance. Mais j’allume aussi en douce des mini cierges plus hards, toujours “spécials wax play”, donc qui ne laissent pas de trace. Ou si peu. Une fois la paraffine bien fondue, Maîtresse Didi s’en empare. Le liquide coule sur le dos du soumis, qui fait un bond pas possible, surpris par la brûlure. Une douleur ? Mais non, juste une sensation. Pourquoi juger ? Analyser ? On se détend jeune homme !
Puis, Didi et moi, nous nous attaquons aux fesses. La cire se répand en petites tâches, comme de l’encre avec lequel ce serait amusé deux sales mômes hilardes torturant une petite bête bien innocente.
Voilà le derrière et les jambes de Grégoire mâculés de rouge et noir. Pour tenir, pense donc à cette citation de la grande poétesse Jeanne Mas : “En rouge et noir, j’exilerai ma peur. J’irai plus haut que ces montagnes de douleur.” Ou alors que le jouvenceau dise stop ! Mais non, notre victime semble apprécier. L’art de la domination n’est-il pas d’imposer ce que le soumis désire mais n’ose s’avouer ? Du moins ce qu’il souhaite essayer.
Il faut maintenant lui ôter toutes les croûtes de cire. Soit à coups de cravache, soit avec le magnifique couteau ancien que vient de sortir Maîtresse Justine de son sac. Grégoire manque de s’étouffer : “Quoi ? Un couteau ?” L’un des larrons a carrément déguerpi. Du trio de départ, il reste encore Bisounours qui n’a pas encore été utilisé.
Maîtresse Justine lui ordonne de se déshabiller, et là toute la salle se rend compte qu’il porte un caleçon orange, la couleur d’Halloween. Son dos musclé fait alors connaissance avec les beaux fouets blancs de Justine qu’elle manie un dans chaque main. Il repartira le dos signé, souvenir éphémère.
Une fois qu’elle en a terminé, Justine sort de nouveau son couteau et le passe sur le cou de sa proie, tout en le rassurant qu’il n’y a pas de quoi avoir peur. Et trente secondes après, elle coupe avec d’un geste sec et ostentatoire, l’emballage en plastique des lingettes désinfectantes. Le soumis a eu chaud ! Sa pomme d’Adam est toujours là, la vie est belle !
Au cours de la soirée gynarchiste, j’ai fait la connaissance du peintre abstrait Lachocolartiste, le soumis de Maîtresse K. De fil en aiguille, le garçon a terminé le dos transpercé et décoré d’un cercle de cire “une cire spéciale gros masos” s’esclaffe l’organisatrice, “pas la gentille bougie de tout à l’heure”. Tout le monde admire la performance dans un silence religieux.
Quand tout d’un coup, la reine des aiguilles, Lady Blue, demande d’un ton plus qu’impératif: “un soumis peut se rendre utile ?” Personne ne bouge, si certains pouvaient se fondre dans le plancher tel le cierge… Médusées, les flipettes s’imaginent déjà transpercées comme des saucisses cocktail. “C’est juste pour ouvrir des emballages !” précise Lady Blue.
Ainsi vont certaines nuits parisiennes, entre frayeurs et désir, frissons mêlant angoisse et plaisir, pour mieux faire oublier quelques heures nos existences fugitives et insensées.
crédits photos : Daniel Power et Maîtresse K