C’est l’une des plus grandes photographes françaises du corps et du désir. De la libération sexuelle des années 70 à la fin des années 80, Claude Alexandre immortalisa les sexualités transgressives : sadomasochistes, fétichistes, travestissement et homosexualité. La galerie parisienne Au Bonheur du Jour lui consacre une exposition-vente jusqu’au 29 novembre. Il faut que tu y passes, c’est un ordre. Il est rare de voir des clichés d’une telle qualité sur nos sujets de prédilection.
Je suis d’autant plus ravie de cette expo qu’elle se déroule rue Chabanais jolie petite artère au passé sulfureux. Au n°12, l’hôtel particulier abrita une célèbre maison close, au n°4 La Champmeslé est l’un des plus anciens bars lesbiens de Paris ouvert en 1970. Mais c’est au n°1, à la discrète et élégante galerie Au Bonheur du Jour que j’ai rendez-vous. La galeriste Nicole Canet m’accueille avec son enthousiasme de collectionneuse passionnée. Cela fait 26 ans que la dame tient boutique ici, exclusivement spécialisée dans les photos érotiques d’antan en particulier les nus masculins.
En ce moment, ses murs sont recouverts de photos d’art en noir et blanc autour du fétichisme des pieds, des talons, mais aussi de soumis exultants sous les mains de Dominatrices ou encore des clichés d’hommes excités par le port de lingerie féminine. Des œuvres entre ombre et lumière de Claude Alexandre, grande amie de Nicole : “j’allais chez elle tous les mardis, elle me sortait les boîtes de photos, je choisissais et j’achetais. Elle adorait faire la cuisine, on mangeait, on s’amusait.”
La photographe découvre le thème du SM par le hasard le plus total : “Elle a été conduite dans une soirée, et elle a tout de suite été fascinée par ce milieu très respectueux. Le fait qu’elle soit une femme, lui a certainement facilité les choses.” Claude Alexandre ne cherchait pas à contrôler ses modèles, elle les laissait évoluer en toute liberté.
C’était tous des gens du milieu dit sadomasochiste, à l’époque on ne parlait pas de BDSM. L’artiste avait créé le scandale en publiant le recueil L’ordre des ténèbres, qui montra à la France l’univers “cravache et chaîne” et inspira de nombreux photographes dont mon ami Jean-Louis Del Valle.
Elle a côtoyé les branchés de l’époque dont la sulfureuse Irina Ionesco ou encore l’écrivain Pierre Bourgeade. J’ai retrouvé un extrait télé bien vintage de 1988 où Claude Alexandre répond à Thierry Ardisson dans l’émission Bain de minuit, au côté de Maîtresse Claudia et de son soumis.
Dans les années 2000, Claude Alexandre s’exila à Séville en Andalousie où elle termina sa vie à photographier les corridas, restant dans le thème de la domination/soumission.
Tu ne repartiras pas de la galerie sans passer par la pièce au fond, où deux vitrines renferment un véritable cabinet de curiosités avec des photos de bordels du Second Empire ou encore des clichés signé Biederer, avec Dominatrices et soumis en 1930. Les choses n’ont pas vraiment changé….
Nicole à la curiosité insatiable se montre intarissable sur les moeurs légères de jadis, je pourrais rester des heures à l’écouter. Elle a écrit de nombreux livres illustrés dont l’histoire du Chabanais, la célèbre maison close de luxe qui fût située quasiment en face de la galerie.
Exposition-vente Claude Alexandre 1974-1990 Fétichisme Travestisme
Galerie Au Bonheur du Jour 1, rue Chabanais – Paris 2ème