Fétichistes et autres cire-pompes l’air à mes pieds ! À cause du reconfinement, l’exposition « Christian Louboutin, l’exhibition(iste) » est fermée, comme un idiot tu as tout raté. Moi, j’y suis allée juste avant le couperet. Comme je suis une femme d’exception et que je sais que tu te morfonds, voici mon compte-rendu sur la collection de souliers à l’insolente cambrure.
C’est avec Oignon aux pieds que je me rends au Palais de la Porte Dorée. Oignon, c’est le surnom de mon soumis fétichiste des chaussures Scholl. Cette exposition tombe comme une punition pour celui qui ne jure que par les grossiers sabots d’infirmière. Même si celles qui les portent sont les héroïnes de notre époque Covid, je le conçois, mais … il est temps de t’ouvrir l’esprit mon cher Oignon !
Sais-tu au moins d’où vient le symbole des semelles rouges, celles qui ornent les fameux escarpins Louboutin ? Le frère de Louis XIV, Philippe d’Orléans allait s’encanailler dans des soirées olé olé qui avaient lieu dans des abattoirs. Sauf que Monsieur s’est fait gauler au petit matin, les semelles tâchées de sang. C’est donc un signe de décadence et de transgression.
Christian Louboutin a grandi tout près de ce musée qui était alors à l’époque, le Musée des arts d’Afrique et d’Océanie. Le garçon le fréquentait assidument et les collections exposées alors, furent la première source d’inspiration du créateur à la peau plus foncée que ses sœurs (il apprendra plus tard que son véritable père est égyptien). Pour préserver les mosaïques, un panneau indiquait qu’il était interdit de porter des talons aiguilles. Louboutin est resté scotché sur cette signalétique représentant un escarpin stylisé. Il ne s’en est jamais remis, sa vocation est née de là.
Nous découvrons ses premières créations, réalisées avec les moyens du bord dans sa chambre de bonne. C’était les années 80, quand le monde de la mode, encore léger et drôle, s’encanaillait à la mythique boite de nuit le Palace.
– Tiens Oignon, regarde ce modèle ! Faute d’eau à la bouche, tu auras au moins la bière.
– Quelles paires de chaussures étonnantes, Maîtresse.
Je pince le bras de l’énergumène qui sursaute sous l’effet de la douleur.
– Le mot « chaussure » est banni des lieux ! Chez Louboutin, on ne parle que de « souliers », c’est moins vulgaire. Et certainement plus marketing.
Voici un vitrail réalisé par l’artiste. Oignon mets-toi à genoux et prie Sainte-Cuissarde !
Nous pénétrons dans une rotonde où trône en son centre un palanquin tout en dorures un rien kitsch, surmonté d’une pantoufle de verre géante. Sont exposées ici les créations les plus déjantées.
Qui s’y frotte s’y pique !
– Une plateforme shoes Mondrian.
– Maîtresse, moi ça me rappelle les couleurs du Rubix Cube.
– Chacun ses références mon pauvre Oignon !
Celle-ci est pour une domina mexicaine.
Et celle-là pour Maîtresse Adidas.
Une fourrure à te fourrer dans la bouche.
Un escarpin de ski pour les sports de glisse comme le foot fucking.
– Maîtresse ! C’est à porter quand vous êtes d’humeur peau de vache.
Clac !
– Aïe !
La gifle est partie toute seule.
– Appelle-moi Cruella, petit dalmatien.
Nous enchaînons sur la salle des Nudes, collection lancée en 2009. La chaussure prend la couleur de la peau, car « elle n’habille pas la jambe, mais continue de la déshabiller » selon Christian Louboutin. Donc les modèles se déclinent dans toutes les carnations.
Évidemment une large place est faite au Louboutin des stars. L’homme a chaussé les plus grandes, de Madonna à Rihanna en passant par Lady Gaga, Tina Turner et Prince. La visite se termine par l’espace « Fétichisme », clin d’œil à l’exposition de 2007 où le créateur avait collaboré avec David Lynch sur une série de photographies autour de cambrures impossibles ou encore de talons siamois, fondus l’un dans l’autre. Comme j’aimerais te voir les porter…
– Maîtresse, je me permets une remarque : finalement son univers est bien plus vaste que l’escarpin noir à semelle rouge, vu et revu. Tous ces souliers sont pleins de poésie. Ce Louboutin, quel talon ! Je me sens presque aussi chaud qu’avec les Scholls.
– Ah ! Je suis contente de constater que ton esprit n’est pas si étriqué. Pour te féliciter, petite récompense. Ouvre la bouche et ferme les yeux ! Maintenant mâche !
– Qu’est que c’est ? On dirait un vieux chewing-gum.
– Déguste mon cors au pied récolté ce matin à la fraîche.
– Quel cadeau Maîtresse ! C’est divin. Ainsi j’ai un peu de vous en moi. Merci Maîtresse.