
Paris pourrait être bombardé, dévasté, il y aurait toujours « Les Goûters » comme on dit dans le milieu, ces gens qui s’amusent avec audace tous les vendredis dans une bulle joyeuse, déconnectée de toute notion du temps et d’espace. Les Goûters du Divin Marquis existent depuis 21 ans, c’est un incontournable du Paris « cuir-cravache ». Et ça fait très longtemps que je veux écrire dessus, mais bon, il a fallu attendre le bon moment pour que les planètes soient enfin alignées. On ne décide pas toujours des choses même si on est Domina.
Depuis quelques jours, l’excitation monte à l’idée d’aller aux Goûters. Je retrouve les sensations de la jeune femme que je fus et qui faisait ses premières sorties dans le monde kinky. Je me demande qui sera là, des gens que je connais, que j’aime bien, ou qui m’agacent, des marrants, des déprimants et bien sûr, de nouvelles rencontres plaisantes et intrigantes. Mon amie Clarissa Rivière, une habituée qui m’a beaucoup vanté les délices des Goûters du Divin Marquis, ne pourra pas m’accompagner. Alors j’ai convoqué Sissy emmanuelle (pratiquante de méditation dépilatoire entre autres), qui m’est prêtée par Madame Balkis pour diverses missions. Mademoiselle emmanuelle est certes une soumise aguerrie aux séances et à la servitude des Maîtresses mais elle est encore vierge de toute exhibition à l’occasion de sorties. En espérant que la godiche ne me fasse pas honte !
Réponse à sa convocation : “Ce serait un honneur et un plaisir de Vous accompagner ! Je serai aux petits soins et me plierai à toutes vos exigences. Ce n’est pas parce que je serai avec une Dominatrice canon, que je serai un boulet ”. Et là, pour choisir sa tenue, la sissy m’envoie une avalanche de photos, avec pour chacune une tenue différente. Toutes les variantes et toutes les couleurs de la soubrette y passent.
Illico je calme les ardeurs de l’écervelée : « Je vous rappelle que vous ne serez qu’une potiche ! Un peu de sobriété que diable ! » Emmanuelle se confond en excuses.
Après réflexion, je choisis pour elle la tenue de Charlotte aux Fraises à gros pois qui, il faut bien le reconnaître, est particulièrement croquignolesque. Avec ça, Sissy emmanuelle ne manquera pas de divertir les habitué.e.s des Goûters du Divin Marquis.
L’occasion de trouver ou d’échanger des bons plans
La jeune et prometteuse Maîtresse Didi, avec qui j’avais fait mieux connaissance ces jours-ci autour d’un fessier bien agité, m’accompagnera aussi. Sissy emmanuelle vient nous chercher dans sa berline. Et nous voilà toutes les trois enfin en route. Je suis si impatiente ! Le soleil baigne avant l’heure notre belle capitale de sa lumière estivale.
Si un jour tu passes rue Marcadet, tu ne pourras pas rater cette bâtisse avec sa tour ronde et pointue façon château à l’angle de la rue du Mont-Cenis. A l’intérieur, le club Pandora abrite les rendez-vous de l’amicale boule-bâillon chaque vendredi. À la terrasse du café juste à côté, attend sagement le soumis convoqué par Maîtresse Didi : un certain tancrède, jeune homme dont je ne vais pas tarder d’ici quelques minutes à découvrir le fessier bien moulé dans un shorty wetlook avec un grand trou à l’arrière qui, ma foi, n’a vocation qu’à l’invitation. Une fois à l’intérieur, dans un espace prévu pour se mettre en tenue, nous attendons une éternité qu’emmanuelle se change. En attendant, j’ai le temps de taper la discute avec un jeune queer, M. I., pour qui c’est le premier Goûter. Il ajuste un chic harnais bordeaux par-dessus une tenue moulante noire. Nous échangeons quelques bons plans de soirées queers BDSM à explorer : il me conseille l’Annihilation et la Pornceptual, « les moins prudes ». À mon tour, je lui parle des bonnes réputations de la soirée sexpositive Hell O Kinky et des évènements Wilkyway.
L’état d’esprit sans chichis des Goûters du Divin Marquis
Ah ! tout de même ! Après avoir enfilé ses bas, sa poitrine, son jupon, sa robe de fanfreluche, ses bijoux et, enfin, ses escarpins, voilà ma sissy plus apprêtée qu’une starlette du Festival de Cannes. Nous pouvons faire notre entrée dans la pièce principale du club. À gauche un grand bar avec dessus des plateaux de gâteaux à disposition, à droite une piste de danse avec autour fauteuils et banquettes en skaï. Au centre, un petit podium et une barre de pole dance, le tout éclairé d’une lumière tamisée et d’écrans qui diffusent des souvenirs des précédentes éditions. J’ai l’impression de me retrouver d’un coup au cœur de la nuit alors qu’il est à peine 15h ! Il y a déjà du monde pour un vendredi en plein pont de mai. Ness Harper nous accueille ; je présente la compagnie. L’organisatrice est très attentive à chacun.e avec qui elle échange quelques mots. La dame officie depuis sept ans à la tête de cet événement, véritable institution du milieu. Chaleureuse, elle est aussi une Maîtresse fouetteuse de grand talent ! Elle possède une impressionnante mémoire de physio, elle se souvient de nos conversations d’il y a six mois et même cinq ans ! Elle me précise : « Les Goûters se déroulent toujours dans une ambiance bon enfant et familiale. » Comme une famille bienveillante en fait ! Dans le monde dit « normal », ces deux mots-là ne vont pas toujours de soi.

C’est vrai que l’ambiance est légère et rassurante et je me sens très vite à l’aise. Au fond, se trouvent deux salons plus intimistes. Avec la petite bande, nous en investissons un. En accord avec Maîtresse Didi, j’ordonne à tancrède et emmanuelle de se pencher en avant, les mains posées sur les banquettes. « Faites bien ressortir vos derrières de cochonnes ! » Et voilà que nous démarrons, Didi et moi, une session de percussions. C’est marrant comme chaque séant génère une sonorité bien à lui, si bien que nous nous amusons à composer de la musique. Le croupion de tancrède se remplit de vibrations. Maîtresse Didi, grande de taille, l’est aussi au niveau de la poigne. Mademoiselle emmanuelle en fait l’amère découverte. Les fiaks de nos soumis bien empourprés, nous nous accordons une pause. Après tout, les Goûters sont faits pour chiller. emmanuelle s’applique à me masser les pieds comme j’apprécie : en appuyant sur les points sensibles de la plante.
Discussion légère ou non autour d’un croupion
La détente me rend avenante, j’aperçois un gars au loin, « Approchez monsieur ! Venez donc vous asseoir ici, n’ayez crainte ! » – du moins pour le moment… David, bisexuel toujours fourré aux Goûters, me précise qu’il est switch, il peut donc dominer comme se soumettre : « Je ne sais jamais comment les choses vont tourner ! » David est un passionné de fessées : « Je vais faire une démonstration tout à l’heure en tant que donneur, j’espère que vous viendrez voir. »
Son martinet sur les épaules, Mister Fox, Maître Renard donc, par la bonne humeur alléché, vient se joindre à nous. Très vite la conversation prend une autre tournure avec ce monsieur affable et curieux de tout : « Je viens de terminer le livre Patriote d’Alexeï Navalny », l’opposant à Poutine mort dans les geôles russes, « c’est génial ce bouquin ! Ça permet de comprendre tout ce qui se passe aujourd’hui. » Débarquent deux jeunes femmes, une blonde qui tient en laisse une brune juste vêtue d’un harnais. Après quelques amabilités, je poursuis ma discussion avec Maître Renard, j’évoque mon ancien métier. Je lui confie que j’aurais voulu faire autre chose : comédienne ! « Domina ce n’est pas si éloigné », me fait remarquer Didi. Eh oui ! je me rattrape. Domina, c’est aller chercher en soi cette part de femme forte, comme les actrices vont chercher en elles certains traits de leur personnalité pour mieux les faire ressortir.
Atelier “fessées” improvisé
Dans le salon voisin, j’aperçois un attroupement, c’est l’instant tea time et déculottées ! David châtie, entre douceur et fermeté, un magnifique fessier. De dos, la propriétaire ne porte qu’un élégant body qui fait parfaitement ressortir cette sculpture de chair. Je ne découvrirai son visage que plus tard. Le fesseur tape, tout en enveloppant bien les formes de sa main. Il propose à une autre soumise d’en donner. Surprise, elle hésite, elle a peur de ne pas bien s’y prendre, mais David la guide et voilà comment faire peut-être une adepte de plus ! Maîtresse Didi se propose de rougir encore davantage le postérieur. Ça claque super fort ! La receveuse gémit mais reste bien droite, elle encaisse et savoure probablement cette chaleur effervescente.

Pendant ce temps, je maintiens à température l’embrasement de l’arrière-train de tancrède. Toi le couillidé qui suit mon blog, tu sais à quel point j’apprécie de dépraver les soumis en les forçant à la bisexualité lors des fameuses Pupute Partys.
– Didi, ça te brancherait une saucisse party avec ton soumis et ma soumise ?
– Ah mais oui !!!! carrément !
Sauf que j’ai parlé trop vite. J’ai complètement zappé que Sissy emmanuelle a le bazar reclus en cage de chasteté et que c’est Madame Balkis qui a la clé. Damned ! Les soumis sont toujours très portés sur le rôle de suceuse, et pas tellement de sucé. Or là, une seule configuration possible : qu’emmanuelle aspire tancrède. Pour sa belle Domina, le soumis est prêt à se sacrifier. Banco ! Nous montons à l’étage. Tiens, tiens, une jeune femme en attache une autre avec sensualité aux barreaux de la rampe d’escalier… Bon, concentrons-nous sur notre projet ! Au 1er, se trouve un dédale de petites pièces avec chacune leurs particularités : un coin avec du mobilier BDSM, of course ! Une chaise de gynéco pour auscultations un peu spéciales et un banc à fessées très moelleux. Comme si le bien-être du soumis avait son importance ! Non mais où va-t-on ?? Une pièce sombre avec un matelas, un salon où il est possible de tirer les rideaux pour plus d’intimité, une salle plus vaste avec une grande banquette en demi-lune pour une vaste orgie et enfin, une pièce indépendante avec des miroirs partout et un lit rond au milieu. Ce sera parfait pour mettre nos petites putes sur le grill.
Fellation guidée et autres jeux débridés aux Goûters du Divin Marquis
Maîtresse Didi oblige tancrède à s’allonger et lui ôte son mini shorty. Il n’a phallus que quelques mots de ma part pour motiver ma salope. Sous la jolie robe rose de Mademoiselle, l’avaleuse de sabre se réveille. La capote au bout de la langue (il y en a en quantité dans chaque pièce dans un panier), elle enfile avec dextérité le bout de latex comme si elle avait fait cela toute sa vie dans les allées du Bois de Boulogne.
Avec Didi, nous sommes tout excitées à la vue de cette scène. J’attrape la tête d’emmanuelle pour la faire aller et venir sur la queue bien raide alors que Maîtresse Didi susurre des formules magiques hypnotisantes mettant le pauvre tancrède sous une totale emprise. Joie et volupté, un peu de moqueries aussi ! Les Dames s’amusent ! Seuls comptent leur plaisir, l’exécution de leur désir.
Bon, j’ai soif. Didi aussi. “Tancrède remballe-nous ton asticot, emmanuelle va te rafraîchir, un peu de tenue !” Nous descendons au bar. Il y a pas mal de monde. tancrède n’en est pas à son premier Goûters. Il nous confie qu’il a aussi fréquenté Les Nuits du Divin Marquis, également organisées par Ness une fois par mois au Pandora : « Ce que j’aime le vendredi après-midi, c’est la simplicité et l’intimité. Le côté spacieux des lieux aide à cela. Il y a moins de frénésie qu’en soirée, on prend le temps de rencontrer les gens, de nouer des relations parfois profondes. On peut jouer juste à deux sans se mêler aux autres ou décider finalement de socialiser. » En fond, résonne la chanson Les Copains d’abord de Brassens.

Je n’ai noté aucune lourdeur parmi les participants, tout au plus un freluquet trop en chien et sans collier qui voulait que je l’encule direct : « Il faut donner envie, jeune homme ! Se casser le cul un minimum ! »
Des cordes pendent du plafond prêtes à être utilisées. Une femme blonde souriante attache un gars les mains dans le dos, puis elle s’amuse à un jeu de privation d’orgasme en lui passant sur le vermicelle bien dressé un vibro sans fil. Cette Dame, je pense la connaître. Peut-être est-ce Domina M ? Cela fait longtemps que je ne l’ai pas vue. L’orgueilleuse que je suis préfère ne pas se planter donc je ne l’aborde pas. Dommage, j’apprendrai plus tard que c’était bien elle.
L’âme du fouet
Ness fouette un fessier sur la piste de danse. Elle fait tourner comme un tourniquet son instrument de cuir tressé, pour créer une mordante caresse. Je lui pose des questions – j’aimerais davantage me mettre à cette pratique. Je m’y entraîne plutôt à la campagne, les espaces parisiens ne s’y prêtent pas toujours. Ness possède une belle collection de fouets. Elle me propose d’en tâter un. Le cuir est somptueux, je suis fascinée par sa souplesse. Je demande tout en tordant le fouet au niveau de sa base :
– Où en trouves-tu d’aussi souples ?
– Ne le déforme pas comme ça ! Jamais ! Cette partie, c’est l’âme du fouet !
Je m’excuse, mais le noble accessoire m’a-t-il peut-être déjà jeté un sort ?! Cette conversation aiguise mes envies. Yves, qui se balade avec ses badines dans un sac passe par là et nous discutons canne. C’est l’instrument vedette de l’éducation anglaise, ces scénarios BDSM basés sur des punitions physiques afin d’inculquer la discipline aux grands garnements. Pas facile de trouver d’authentiques cannes avec l’arrondi comme poignée. Et souvent le bambou est vendu pour du rotin, qui est, lui, la véritable matière bien souple. Tout cela me donne envie de passer à la pratique et le sympathique maso fera les frais de quelques châtiments corporels de ma part. J’apprécie mettre de petits coups légers en rafale puis, clac ! une cinglante correction. Traitement à renouveler autant qu’il me plaira. Yves repartira les fesses cuites à point, quoique presque saignantes. Il faut dire que je ne suis pas la première éducatrice qu’il croise cet après-midi.
Le temps s’étire. Bientôt, il faudra que nous retrouvions la « vraie » vie, celle où l’on se prend trop au sérieux, où l’on se met la pression pour rien. Alors qu’il en faut si peu pour être heureux : sortir de ce besoin de dominer pour le théâtraliser comme un carnaval. Ou bien se soumettre à des Déesses pour lâcher prise, oublier cette vanité, qu’à l’extérieur, la société exploite pour mieux nous asservir.
La musique électro dance se fait plus forte, il est 19h, la soirée ne fait que commencer…
photos : Ness